MIGROBJETS
Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés dans les nouveaux médias et construction de la figure du migrant dans l’espace public

10h-17h, Mercredi 31 janvier 2018
Inalco, Les Salons, 2 rue de Lille, 75007 Paris

Représentation et circulation des objets de la culture matérielle des exilés dans les nouveaux médias et construction de la figure du migrant dans l’espace public

Depuis le naufrage d’octobre 2013 au large de l’île de Lampedusa,
la multiplication d’images d’objets abandonnés par les migrants
atteste de leur pouvoir d’évocation de la « crise migratoire »
entre reconnaissance d’une communauté de biens et
différenciation des appartenances culturelles. Le choix de
certains objets plutôt que d’autres ; les affects et les usages
sociaux diversifiés qu’ils véhiculent dans les pays de départ, de
transit et d’arrivée ; les discours associés pour faire « parler »
ces objets, contribuent à assigner une identité culturelle et
sociale aux migrants, constituant ainsi un topos de l’exilé à la fois
pérenne et régulièrement actualisé.

Le statut des objets dans la migration apparaît marqué par une
dualité constitutive, tour à tour marchandise tangible et valeur
affective ; mémoire du pays d’origine et symbole d’un nouvel
établissement ; signe de l’intemporalité du fait migratoire et
icône de l’actualité la plus dramatique, sphère privée et de
l’espace public ; objet de peu et de patrimoine. L’objet s’inscrit
dans une doxa, i.e. de régimes de sens commun (de preuve, de
vérité, de moralité, d’esthétique, d’utilité …) s’imposant à la
parole de l’exilé et parfois se substituant au sujet migrant dans
un transfert des propriétés des choses à celui des corps, minorés
ou défunts (Galitzine-Loumpet 2014 et 2015 a, b : 188 ; Ritaine 2015,
2016). De fait, en tant que signe, l’objet pallie l’absence de
relation humaine et constitue un puissant vecteur d’intégration
(Baudrillard 1968 : 209). En tant qu’acteur social (Latour 2007 : 37),
il révèle la condition faite à l’exilé.

Dans la sphère concrète des politiques migratoires, la volonté
récente du Danemark de saisir les objets de valeur des réfugiés
au-delà d’une certaine valeur marchande, à l’exception de
« biens à valeur affective particulière », a donné lieu à une
polémique internationale sur le web, les journalistes et les
organisations internationales convoquant la spoliation des biens juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et dénonçant la
constitution d’une rhétorique xénophobe incarnée par le
« migrant à la valise pleine de diamants » décrit par le ministre
de l’immigration de cet Etat. Ces protestations trouveront grand
écho dans les pays de départ, notamment en Afrique du Nord et
de l’Ouest.

Dans un contexte plus large, des acteurs diversifiés tentent au
contraire de transformer les représentations de la migration en
se servant de l’espace numérique, et notamment en constituant
l’immigration en patrimoine. La proximité dans l’espace virtuel
d’une multiplicité de sites d’information, de reportages, de
plateformes associatives et réseaux militants, d’oeuvres
artistiques et audiovisuelles associés entre eux par des mots clefs
et des liens virtuels dessine un système de référence polymorphe
dont les codes visuels et narratifs demeurent peu analysés dans
des contextes culturels et politiques distincts.

Cette journée d’études propose une analyse multilingue et
pluridisciplinaire des images d’objets des exilés diffusés sur
internet (journaux en ligne, plateformes pour les migrants, blogs,
reportages photographiques, réseaux sociaux) afin d’en mesurer
les impacts en termes de construction des figures du migrant
dans les pays de destination et de départ. Le postulat est que ce
décentrement du sujet à l’objet offre l’opportunité de faire surgir
de nouveaux éléments constitutifs des représentations de
l’altérité dans le champ des études de la migration.


https://migrobjets.hypotheses.org/


PROGRAMME

Présidence de séance : Peter Stockinger

10h00-10h25
Albin Wagener - CoDiRe /Université de Nantes
Smartphone et Migration : la collision des représentations

10h30-10h55
Frosa Pejoska - PLIDAM/Inalco
La singer yoyoisée.
La machine à coudre et le yo-yo, deux objets migrants


11h00- 11h25
Malek Al-Zaum - CERMOM/PLIDAM/Inalco
La barque : le cauchemar des migrants et des autorités
Discussion


Présidence de séance : Alexandra Galitzine-Loumpet

14h00 – 14h25
Peter Stockinger - PLIDAM/Inalco
La visualisation du topos du migrant-envahisseur dans les
chaines vidéos sur la plateforme YouTube


14h30- 14h55
Christiane Vollaire - Philosophe
Régimes d’image dans la représentation des objets

Pause-café

15h30 – 15h 55
Monique Selim et Guo Wenjing – anthropologues CESSMA,
Université Paris Diderot/Inalco /IRD
La souillure des migrants

Discussion

Clôture de la journée d’études

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