Journée d’études « Produire la ville “ordinaire“ »

Les interventions auront lieu à :
l’Université Paris Diderot-Paris 7
Bâtiment Olympe de Gouges, salle 870
8 rue Albert Einstein
75013 Paris
De 9h à 17h

Ressources urbaines et droit à la ville

Depuis plusieurs années, des travaux permettent de renouveler la qualification des processus sociaux qui accompagnent la forte urbanisation des sociétés des Suds, notamment la production d’inégalités. Ceux-ci
se fondent sur la qualification et la caractérisation des ressources qui sont en jeu dans ces processus : services basiques, logement et prestations attenantes, emploi, école, santé, transports intra-urbains, mobilité ou au contraire immobilité.
Nous souhaitons ici réunir des approches qui définissent l’ensemble de ces ressources comme des ressources urbaines, c’est-à-dire non seulement une somme de services mais également selon leur répartition spécifique dans l’espace de la ville, leur articulation et leur conditions d’accès. Cette approche
par les ressources urbaines permet de faire d’une localisation dans la ville une ressource en tant que telle, de même que l’accès à des lieux de ressources potentielles. En outre, elle permet d’introduire une dimension diachronique dans la qualification des ressources envisagées par leur localisation : ces
ressources urbaines sont en effet le résultat d’une construction, dans le temps et par des acteurs, publics et privés ; elles sont l’objet de modifications importantes dans l’histoire de l’espace urbain (croissance de la ville, changements économiques, construction de nouvelles infrastructures, etc.)
S’il n’est pas simple de qualifier les ressources urbaines par des caractères objectifs et quantifiables, leur réalité empirique est mise en évidence dans des situations connues par ailleurs : par exemple pour constater leur insuffisance dans certains quartiers, ou encore à travers le marché immobilier qui d’une certaine manière quantifie ces ressources sans toutefois les définir.
Les ressources urbaines, au-delà de la somme brute des prestations de service auxquelles accèdent les habitants, sont en effet essentielles pour qualifier des situations de marginalité ou de pauvreté, tant à partir des trajectoires individuelles que des espaces produits. Nous réunissons dans cette journée deux approches différentes qui permettront conjointement de mieux cerner ces ressources.
D’une part, nous proposons d’avancer dans la caractérisation de ces ressources en mettant en évidence les stratégies collectives et individuelles dont elles font l’objet, par exemple de la part des migrants dans les grandes
villes. D’autre part, nous souhaitons prendre en compte comment l’énonciation d’un droit à la ville (décliné très différemment selon les terrains) met en lumière les enjeux d’accès à ces ressources.
1) Caractériser les ressources urbaines : nature, répartition, accès
La répartition des ressources, dans l’espace et entre les agents, et leur accessibilité se situe au coeur de l’analyse des inégalités socio-spatiales. Dans le champ urbain, la distribution inégale des services et des emplois constitue une facette de la division sociale de l’espace, à côté des formes de ségrégation résidentielle habituellement observées à travers des catégories socio-démographiques, voire les revenus des populations résidentes ou encore, les prix du marché immobilier. Ainsi la carence de services dans
certains quartiers populaires ou au contraire, la densité de services rares dans des quartiers plus centraux, à l’origine de rentes de situations apparaît à la fois comme un effet et comme un élément de la production des inégalités socio-spatiales. Les filières d’accès aux logements, la structure du parc et le
fonctionnement du marché foncier orientent et contraignent les stratégies résidentielles des ménages.
Sur le front de l’emploi, les distances entre lieux travail et lieux de résidence (spatial mismatch), les niveaux de desserte et la qualité des réseaux et enfin les coûts de transports, constituent une réelle entrave à l’accès à l’emploi des catégories populaires (Wenglenski, 2010).
La problématique de l’accès aux ressources urbaines se décline différemment selon les individus, non seulement suivant leur localisation propre – renvoyant en cela à des effets de contexte qui associent ressources spécifiques au quartier d’une part et situation du quartier dans la ville d’autre part – , mais
également selon les autres ressources que chacun est en mesure de mobiliser – ressources économiques, capacités à se déplacer, réseau social (Lévy, Brun, 2000).
Enfin, la notion de ressources exprime des moyens effectivement disponibles, mais elle peut aussi être comprise de manière relative : les ressources urbaines désignent alors une offre, potentiellement accessible.
De fait, les enjeux d’accès à ces ressources et leur pérennisation font l’objet de stratégies collectives à plusieurs échelles (familiales, communautaires, individuelles).
L’accès, ou au contraire l’impossibilité d’accéder à ces ressources traduit de manière concrète les conditions d’exercice d’une citoyenneté habitante dont la revendication traverse tant de mouvements sociaux et politiques publiques récentes. Comment donc les objectiver, afin de les prendre en compte dans la compréhension de la production des inégalités mais aussi en général des dynamiques sociales urbaines ?

2) Le droit à la ville comme droit sur des ressources urbaines.
La maîtrise de ces ressources, leur partage, la régulation de leur accès, relève de ce qu’Henri Lefebvre a appelé la production de l’espace (Lefebvre, 2000) – le droit à la ville qu’il a défini en 1968 étant celui de coproduire cet espace urbain (Lefebvre, 1974). De nombreux mouvements sociaux urbains, mais aussi la plupart des intervenants non gouvernementaux dans les politiques de la ville (aide internationale, réseaux associatifs, etc.), mobilisent la notion de ressources urbaines en termes de droit d’accès et d’exercice. Cette lecture permet de concevoir les ressources urbaines comme des biens communs, et d’analyser les institutions qui règlement l’usage de ces ressources communes (Ostrom, 1990). Dans les revendications plus ou moins explicites qui accompagnent les mobilisations en ville, en particulier dans certaines villes du sud où les services basiques sont loin d’être répartis, le droit à « être » (= stare) en ville désigne également ces ressources urbaines, qui peuvent inclure l’accès immédiat et concret à des services (électricité, transports, etc.) comme la reconnaissance politique dans la communauté urbaine (Morange et Spire, 2015).
Nous escomptons que les travaux récents sur la mobilisation d’un droit à la ville pourront mettre en lumière l’articulation entre ressources urbaines et citoyenneté habitante. Par ces deux entrées, caractérisation des ressources et observation de l’énonciation d’un droit les régulant, nous espérons
contribuer à préciser la notion de ressources urbaines et la rendre utile pour la compréhension des dynamiques sociales comme l’analyse de l’espace urbain.

Programme

  • 9h – Introduction.
    Antonine Ribardière (Université Paris 1, PRODIG) et Aurélia Michel (Université Paris-Diderot, CESSMA)
  • 9h15 – Migrants centraméricains à Mexico : quel ancrage avec quelles ressources ? Laurent Faret (Université Paris-Diderot, CESSMA)
  • 10h – Ressources urbaines et expériences migratoires à São Paulo. Sylvain Souchaud (IRD, URMIS)
  • 10h45 : pause
  • 11h – Du Oaxaca à la ville de Mexico. Accès aux ressources urbaines et construction des
    trajectoires familiales. Aurélia Michel (Université Paris-Diderot, CESSMA) et Antonine Ribardière (Université Paris 1, PRODIG)
  • 11h45 – L’ancrage au quotidien dans les colonies populaires de la périphérie de Mexico : une approche par les pratiques et les ressources du quartier. Jean-François Valette (CNRS, PRODIG)
  • 12h30 : déjeuner
  • 14h – La production des inégalités d’accès au service d’électricité dans les favelas de Rio de Janeiro : la marchandisation à l’épreuve de la fragmentation spatiale. Francesca Pilo (Université Paris-Diderot, CESSMA)
  • 14h45 – Et après l’éviction ? Mise en ordre du commerce de rue et droit à la ville à Accra, Ghana.
    Amandine Spire (Université Paris-Diderot, CESSMA)
  • 15h30 : pause
  • 15h45 – Urbanisme entrepreneurial et mise en "ordre tranquille" du Greenmarket Square (Cape Town), 5 ans après la coupe du monde de la FIFA. Marianne Morange (Université Paris-Diderot, CESSMA)
  • 16h30 – Conclusion. Monique Bertrand (IRD, CESSMA)
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Présentation et programme